TOPIC LES ENTREPRISES QUI FONT BRUXELLES Quand un papetier se met au vert... Un papetier en bonne santé à l’ère du numérique ? Sappi démontre que c’est possible avec une bonne structure de coûts et une stratégie de différenciation. Peter Van Dyck S appi n’a pas échappé à la contraction du secteur graphique, pas plus qu’à une série de restructurations, au cours des années écoulées. Mais tout n’est pas noir pour autant, loin s’en faut : « Le publipostage a toujours la cote », déclare Berry Wiersum, CEO de Sappi Europe. « La publicité sur papier reste nettement plus efficace que son homologue en ligne. Les périodiques ont encore du mal à se maintenir, bien sûr, mais je suis confiant : ils retrouveront bientôt un nouvel équilibre. Cela n’a rien d’anecdotique, car notre division graphique réalise un tiers de son chiffre d’affaires dans le secteur des magazines. Il est toujours possible de faire du bénéfice dans l’industrie graphique si l’on s’appuie sur une bonne stratégie de marché et une structure de coûts saine. » Sappi dispose également d’une division « spécialités » (comprenez : « emballages ») qui représente déjà 10 % des activités de l’entreprise mais qui, contrairement à la division graphique, peut tabler sur de belles perspectives de croissance. C’est donc précisément pour doubler ses capacités dans ce domaine que Sappi a modifié en profondeur une grosse machine destinée précédemment aux activités graphiques, dans son usine allemande d’Alfeld. Les livraisons de papier léger – destiné à l’emballage de denrées alimentaires telles que les potages et le yaourt – connaissent une belle progression. Sappi a dès lors investi dans les « technologies barrières » pour s’aligner sur les exigences sanitaires rigoureuses du secteur de l’alimentation. C’est ainsi que l’Algro Guard a vu le jour. M. Wiersum s’explique : « Les barrières que nous intégrons aux emballages évitent que des huiles minérales nocives ne s’infiltrent dans l’aliment contenu. » Partenaire de l’Europe Le groupe mondial Sappi est d’origine sud-africaine. Berry Wiersum estime logique que le siège européen se situe à Bruxelles, en raison des multiples nationalités présentes dans l’équipe de direction et de la communication rapprochée avec les institutions européennes. Cette proximité est d’ailleurs essentielle dans la perspective de la collaboration public/privé que le Biobased Industries Consortium (auquel Sappi appartient) a instaurée avec la Commission européenne en matière d’énergies alternatives. Berry Wiersum figure depuis le départ du projet dans l’équipe qui en assure la gestion. Cette collaboration a pour objectif de rendre l’industrie européenne moins dépendante du pétrole. La recherche 26 BECI - Bruxelles métropole - janvier 2016 Berry Wiersum se porte entre autres sur le développement éventuel de nouveaux produits au départ de déchets ou de biomasse. Les efforts ont notamment abouti à une toute nouvelle technologie qui convertit le bois en pâte tout en réduisant radicalement les émissions. Le projet travaille en outre à l’élaboration d’une technologie de séchage du papier nettement moins énergivore. Le CEO de Sappi reconnaît qu’une mutation profonde est en cours. L’industrie papetière, jadis perçue comme destructrice des arbres et de l’environnement, joue à présent résolument la carte de la durabilité. « Notre industrie a été pendant longtemps en conflit avec des activistes environnementaux. Aujourd’hui, nous pouvons démontrer que nous contribuons à l’extension des forêts et à leur santé. » ● Un historien aux commandes Originaire de La Haye, Berry Wiersum se considère comme un CEO atypique. Ce citoyen néerlandais a décroché un diplôme en histoire en Écosse. « Les autres CEO sont des technocrates. L’avantage pour moi, c’est de ne pas être formaté par les règles de la technique. Il m’arrive de débarquer avec des idées bizarres, auxquelles d’autres n’ont pas pensé, mais qui débouchent parfois sur des choses intéressantes. L’histoire aussi, est intéressante. Un coup d’œil en arrière nous apprend que la situation économique actuelle présente beaucoup de similitudes avec la crise des années 20 et 30. Chaque fois que nous avons détricoté des mesures de soutien à l’économie, cela nous a coûté cher. » M. Wiersum a rejoint Sappi en 2007 et y a introduit rapidement quatre valeurs d’entreprise : l’intégrité, le courage, la collaboration et la rapidité. Il pressentait l’arrivée de mutations profondes et a donc voulu constituer un socle solide pour prendre des décisions pertinentes face à l’avenir. Cette année, la valeur « collaboration » a cédé la place à « smart decisions ». Berry Wiersum a déjà résidé dans de nombreuses villes européennes dans le passé, mais il affirme se sentir vraiment chez lui à Bruxelles. R.A. Pagina 27
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