TOPIC OFFICE Conversion des bureaux : oui, mais… Bruxelles possède beaucoup de bureaux vides, mais manque de place pour loger ses habitants. La conversion des immeubles de bureaux en habitations paraît donc une évidence – c’est d’ailleurs une tendance lourde – mais attention à ne pas défavoriser la fonction économique.1 Christian Lasserre L es premières études réalisées à Bruxelles sur la transformation de bureaux en logements remontent à 1996. Déjà, à l’époque, les préoccupations étaient de deux ordres : améliorer le marché secondaire des bureaux et prévoir des immeubles neufs transformables en d’autres fonctions. Sur le terrain, les conversions ne se sont cependant multipliées que depuis 2005, pour atteindre 500 000 m² : l’équivalent d’une année de production de logements dans la Région. fonctionnelle des immeubles et des quartiers. En effet, les réglementations urbanistiques de 1962, 1970 et 1991, et même le PRAS, étaient organisés sur un principe d’aménagement du territoire en zones d’affectation, les zones mixtes étant une catégorie parmi d’autres et non la règle. Or, si l’insertion de bureaux dans des quartiers résidentiels reste délicate, introduire des fonctions diversifiées dans les quartiers administratifs devient de plus en plus fréquent. L’habitat n’est pas la seule fonction concernée : quatre grandes surfaces bancaires totalisant 3 000 m² ont été transformées en librairie avenue des Arts ; d’autres rez-de-chaussée en centres de fitness dans les quartiers européen et Louise. Enfin, la création d’écoles dans d’anciens bureaux devient courante : École des Arts de Saint-Luc dans d’anciens bureaux de l’Administration des Finances, nouvelle école secondaire « De l’autre côté de l’école » dans un immeuble des années 90 à Auderghem, etc. Un exemple récent de reconversion : les anciens bâtiments Solvay, à Ixelles. Jusqu’en 2013, ces transformations avaient surtout concerné des immeubles des années 60, localisés en centre-ville et dans le quartier Louise, mais le processus s’étend maintenant aux quartiers de bureaux de la deuxième couronne, comme la chaussée de La Hulpe et le boulevard du Souverain. Par contre, l’objectif de construire de nouveaux immeubles plus flexibles n’a pas été atteint : depuis 1996, trois millions de m² de bureaux ont été construits, soit environ 250 immeubles, mais seuls deux ou trois d’entre eux ont prévu des changements d’usage. L’ampleur des transformations réalisées à Bruxelles s’explique par la conjonction de deux facteurs : l’excédent de bureaux et un déficit de production de logements. D’autres villes ont été confrontées au même phénomène, et les mutations fonctionnelles y sont devenues assez courantes : Londres et New York notamment, au point que la City of London envisage de prendre des mesures pour freiner ces conversions. La transformation a aussi coïncidé avec un changement des mentalités et des objectifs dans le domaine de la mixité 1. Sources : Bruxelles, ses bureaux ses employés, Région de Bruxelles-Capitale, éd. 2009 (collectif) Bureaux du passé, habitants du présent, Ch. Lasserre & al. Bruxelles 2013 Observatoires des bureaux de la Région d eBruxelles capitale La transformation des bureaux en logements, CLI, 1996 BECI - Bruxelles Métropole - février 2015 17 Au profit de l’emploi ? On peut aussi se demander comment ces transformations cohabitent avec le maintien, voire la croissance des fonctions économiques à Bruxelles. Jusqu’ici, les nouvelles fonctions ne chassent pas les bureaux mais remplissent des espaces vides, tandis qu’il reste suffisamment de bureaux vides à Bruxelles pour réaliser encore pas mal de transformations tout en accueillant les entreprises qui le souhaitent. Ceci dit, trop de bureaux inadaptés ou trop vite obsolètes ont été construits à Bruxelles depuis 40 ans. Les mutations fonctionnelles ont permis de résorber une partie de cet excédent, mais l’obsolescence concerne aussi des immeubles non encore amortis, car les nouveaux bureaux ne sont pas occupés par des fonctions économiques nouvelles ou de nouveaux emplois, mais par des organismes existants quittant des immeubles plus anciens. Même si nous n’en sommes pas encore là, il serait préoccupant pour l’avenir économique de Bruxelles que tous les immeubles de bureaux de plus de dix ans soient transformés en résidences-services ou maisons de retraite. Comment au contraire, en utilisant ce potentiel, l’orienter vers la création de nouveaux emplois ? ● Christian Lasserre (chl@cli.be), juriste et économiste, dirige actuellement l’Executive Master en Immobilier de l’Université Saint-Louis-Bruxelles, ainsi que le bureau d’études C.L.I. S.A. spécialisé en analyses immobilières. R.A. Pagina 18
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