SPEAKER’S CORNER LES PRÉVISIONNISTES SONT DES DANSEURS DE SALON LE MOIS ECONOMIQUE Rencontre avec le prince Al-Walid Ben Talal, l’Etat belge, la Fédération pétrolière, M. et Mme Toutlemonde et votre prof d’anglais | Jean Blavier Ouf, la saison est passée. Les prévisionnistes se sont déchaînés en décembre et en janvier – comme chaque année – mais cette fois ils ont eu affaire à un obstacle de taille : le prix du pétrole. Qui avait prévu sa baisse ? Personne. Qui oserait dire qu’il va remonter ? Personne. Qui oserait dire qu’il va encore baisser ? Personne. Qui oserait dire qu’il ne va plus jamais remonter à 100 dollars ? Personne... Sauf le prince saoudien Al-Walid Ben Talal qui, probablement, sait mieux que quiconque de quoi il parle puisque le cours du pétrole est manipulé. C’est un enjeu géostratégique. Les uns disent que ce sont les Saoudiens qui veulent mettre à genoux les producteurs américains de gaz de schiste, et les autres que c’est le prix que les Occidentaux veulent faire payer à Vladimir Poutine pour avoir joué avec leurs pieds en Ukraine. Allez savoir. Surtout si, en plus des prévisionnistes, nous devons nous farcir les experts en géopolitique. Pitié ! Tout ça ne vous fait pas penser à autre chose ? Mais si, bien sûr : aux taux d’intérêt ! Ils n’ont cessé de baisser ces derniers temps alors que, rappelez-vous, il y a quand même pas mal de gens qui disaient qu’ils allaient prendre le chemin inverse. Le souvenir que j’ai de mes études secondaires me fait dire que les États, c’est comme les profs. Quand tout va mal, ils hurlent. Quand tout va bien, on ne les entend pas. Quand il emprunte à 0,70 % sur 10 ans, l’Etat belge vous dit combien il économise ? Allô ? Pas de réponse. Ou alors un petit entrefilet dans la presse. Par contre, quand on nous dit que, grâce à la baisse du prix du pétrole, les ménages belges vont bénéficier d’un ballon d’oxygène bienvenu, la Fédération pétrolière vient nous rappeler que cette même baisse du prix du pétrole va coûter à l’État belge 250 millions d’euros – en manque à gagner sur la TVA. Question de nous glisser dans le coin de l’oreille que ces 250 millions, il faudra bien que l’État aille les chercher ailleurs. Où ? Ben tiens... Le dur et le mou Les prévisionnistes ne se risquent que rarement sur le terrain marécageux de la fiscalité. On les comprend. Quand on croit que c’est dur, c’est mou. Et inversement. Le plus amusant dans tout ça est sans doute cette fabuleuse expression : tax shift. On va shifter quoi ? De l’impôt sur les revenus contre de l’impôt sur le capital, disent les partis au pouvoir – et encore, pas tous. On va taxer le capital ? OK, mais comment ? Le capital lui-même ? Ses revenus ? Et puis, il est où, le capital ? Quand on croit que c’est dur, c’est mou. Essayez seulement de l’attraper, le capital, et il disparaîtra mystérieusement. À moins qu’on ne parle de capital immobilier. Là, c’est dur évidemment. Sauf le grand capital immobilier. Il est en société, celui-là. C’est du dur qui est devenu mou. Par contre, M. et Mme Toutlemonde, eux, sont très exposés aux courants d’air du shift fiscal. Quel est le prévisionniste qui va leur dire : attention, avec vos deux ou trois appartements, ça va sérieusement décoiffer ? Ce qui caractérise les prévisionnistes, outre leurs capacités de danseurs de salon1 , c’est leur recours au franglais. Il y a le tapering de la Réserve fédérale américaine (qui va faire monter les taux américains, donc le dollar, et faire baisser l’euro, ce qui va nous empêcher de profiter à plein de la baisse du prix du pétrole), il y a la politique de quantity easing, autre spécialité américaine reprise entre-temps par le Japon et l’Union européenne (ça revient à augmenter le bilan de la banque centrale par des achats de titres), la convergence des spreads (les écarts de taux sur les emprunts d’État)... Dois-je continuer ? Je préfère vous laisser en compagnie de cette autre expression fort utilisée ces derniers temps par les prévisionnistes : en 2015, on va surtout faire du muddling through. On va patauger. Encore du dur qui devient mou. ● 1. Lisez « Le bal des aveugles » de Michel Turin, Albin Michel, Paris, 2014. 45 min. chrono ! Créez votre entreprise en Rendez-vous personnalisé et gratuit à notre guichet d’entreprise au www.beci.be/guichet t Numéro d’entreprise t TVA t Caisse d’assurances sociale 02 643 78 09 t Mutuelle t Assurances BECI - Brussels Business - janvier 2015 5 Pagina 6
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Bruxelles Métropole - Février 15 Lees publicatie 10Home